Je suis chanceuse je sais, je fais partie de ceux qui ont le privilège d’être à la maison, ceux qui ont l’opportunité d’aller moins vite de profiter des petits moments de chaleur en famille, je suis de ceux qui ont la chance de dire merci. Merci à tous les anges qui se lèvent le matin qui sortent à l’extérieur et qui veillent sur nous, sur notre santé sur nos enfants sur nos garde-mangers et même sur notre réserve de vino parce que monsieur Legault l’a dit qu’un p’tit verre de vin may help avec l’anxiété covidienne et c’est bien vrai (raisonnablement toujours c’est bien important).
On est entre bonnes mains et « merci » ça me semble trop petit comme mot pour exprimer la reconnaissance infinie, cinq lettres c’est pas assez.
Alors oui la chance je l’ai, je sais. Mais je vais pas vous mentir parfois je trouve ça difficile. La vie de tout le monde est sens dessus dessous, complètement chamboulée, la planète nous a sacré une méchante volée on va se le dire.
J’ai passé les derniers jours en pyjama de jour et pyjama de soir, le mou c’est confo pour le corps mais pour l’âme aussi, surtout. Je scroll sur les réseaux sociaux j’écoute Netflix et je pense à mon prochain snack parce que ça fait cinq minutes que j’ai pas mangé j’ai faim.
Pis sais-tu quoi? Toute ça, c’est correk. Je gère mes émotions comme je peux mon anxiété mon stress mon quessé-qui-va-s’passer-next. Je sais pas.
Mais j’aime savoir que je ne suis pas toute seule dans mon toute-seule.
Au début je me sentais mal de ne rien faire quelle perte de temps am I right? Mais j’ai décidé de penser à l’envers, au contraire la vie me donne du temps. Et j’ai pas besoin d’occuper chaque seconde de chaque journée de chaque semaine avec du super-full-extra-productif, à la place j’ai choisi de me reposer. C’est la fin du monde dehors je commencerai pas à m’en faire parce que je feel pour faire une sieste et manger des biscuits, wô menute hein.
J’ai décidé de fermer les yeux à vos régimes de quarantaine votre culpabilité de garde-manger vos grands projets de productivité votre ménage de printemps. Comprenez-moi je suis contente pour vous si vous accomplissez des belles choses à l’intérieur de vos quatre murs, vraiment contente c’est vrai, mais on fait tous notre possible pour que nos journées soient au moins un peu tolérables et parfois ça veut dire ne rien faire. Y’a des jours où j’ai assez d’énergie pour cuisiner du pain moi aussi, mais d’autres où je reste évachée sur mon sofa et je mange un peu plus de chocolat et c’est correk.
Quand il fait soleil je prends l’air comme je peux je pars à la chasse aux arcs-en-ciel dans ma grande bulle de deux mètres j’essaie de lancer des sourires je fais de mon mieux pour y croire, moi aussi, que ça va bien aller. Et oui j’y crois.
Don’t get me wrong j’ai hâte de faire des câlins voir mes amis ma famille faire l’épicerie sans que mes mains souffrent d’une overdose de Purell prendre un café pas-sur-FaceTime avec mes personnes préférées, mais j’ai hâte que tout redevienne pas comme avant. Oui, c’est ça, pas comme avant. J’espère qu’après le retour à la normale, la normale va changer.
J’espère que nos comportements seront différents. Nos valeurs. J’espère qu’on va ralentir. Qu’on va comprendre la vie d’une différente manière. Qu’on va aimer notre planète assez pour en prendre soin. Qu’on va s’aimer, chacun, assez pour prendre soin de nous aussi. Qu’on va être patient plusse-plusse envers les autres. Qu’on va manger du chocolat sans compter les calories qu’il y a dedans. Qu’on va laisser faire la performance le parfait l’excellence, trouver le beau dans les petites failles. Lentement. J’espère.
Malgré tout je me sens mal d’écrire ces mots, assise sur mon privilège de fille en pyjama. Mais juré je pense à tous ceux pour qui c’est difficile, je tiens tout l’monde dans mon petit coeur je vous tiens fort. Je pense à ceux qui ont perdu un proche, ceux qui n’ont plus d’emploi, ceux qui ne savent pas s’ils pourront manger demain matin, ceux qui sont seuls, ceux qui vivent de la violence à la maison, ceux qui sont malades, ceux qui sont fragiles, ceux qui tiennent la société à bout de bras, ceux qui ont peur.
On va s’en sortir je sais. Et je vais dire comme tout le monde parce que je le crois c’est vrai, ça va bien aller.